Si l'on considère que dans un puzzle, les pièces prédécoupées sont immuables,
en forme et en nombre, et le sujet composé toujours identique, * et si, par
ailleurs, on considère que le puzzle obéi aux lois de la gestaltthéorie, comme
étant une forme cohérente et structurée, alors mes images déchirées et en
partie recomposées sont des "anti-puzzles", parce que les pièces sont toutes
différentes et que le sujet n'a plus de référent car le dessin original n'existe plus.
Mais ce sont quand même des énigmes qui sont la captation d'une réalité
déformée et déstructurée de façon non contrôlée par le geste du déchirement.
La restitution est une nouvelle réalité, une partie des éléments de l'image
d'origine a disparu lors de sa recomposition pour avoir pris soin de laisser un
vide entre chaque, un cheminement entre les parties.
Une ligne ouverte qui représente le labyrinthe de la pensée entre réalité,
représentation et interprétation de l'image donne, par ses fluctuations, un souffle
de vie différent et nouveau aux "anti-puzzles".
Les "anti-puzzles" agissent aussi comme une évocation de sa propre histoire,
comme un miroir brisé où les éclats sont la souvenance de faits et de périodes
qui ont façonné notre être et le font encore.
*René Rémond entretien avec Tatia pour son billet de blog sur le site de Médiapart 14 juin 2024